Nulle part, terre promise / Emmanuel Finkiel

Publié le par Limess





Sortie: 01 avril 2009

> L'histoire: Trois personnages sillonnent l'Europe d'aujourd'hui. Un jeune cadre. Une étudiante. Un kurde et son fils. Vers l'est ou vers l'ouest, en camion, en business class, en stop, en train, avec ou sans papier, à travers l'Europe contemporaine, chacun en quête de sa terre promise.

A l'heure de la crise économique fleurit sur nos écrans un tas de long métrages s'intéressant aux conséquences de la mondialisation. C'était L'enquête de Tom Twyker, sorti en mars dernier. Let's make money, le nouveau Erwin Wagenhofer, en salle la semaine prochaine. Dans Nulle part, terre promise, Emmanuel Finkiel se penche lui aussi sur ce sujet avec la question de l'ouverture des frontières, ici, en Europe. A travers le portrait de quatre personnages, soit un père et son fils émigrés, une étudiante et un patron, le réalisateur suit les différents trajets aujourd'hui possibles au sein de l'union européenne. C'est un voyage en train, à la recherche d'une confrontation entre différentes cultures et couches sociales. Une odyssée d'Est en Ouest afin de trouver du travail et une vie meilleure. Un exil, d'Ouest en Est, à la recherche de travailleurs moins coûteux. Avec ce film, Emmanuel Finkiel met ainsi en lumière, et de manière ironique, les aberrantes conséquences de la mondialisation où les hommes partent vers l'Ouest alors que le travail, lui, s'échappe à l'Est. Suivant les affreuses conditions de trajet des émigrés et les portes ouvertes des patrons occidentaux dans les pays plus pauvres.

En opposant ses deux figures, Emmanuel Finkiel aurait d'ailleurs pu tomber dans un jeu assez manichéen. Pourtant, dans Nulle part, terre promise, il n'est jamais question de juger, le réalisateur imposant un regard, et de manière surprennante, neutre, montrant ainsi la confrontation entre l'homme et les rouages de la mondialisation. Avec une économie de paroles et de façon presque contemplative, il prend le temps de donner de la profondeur à chacun de ses personnages, ne blâmant jamais ce patron qui délocalise. Seul dans ce nouveau pays qu'il ne connaît pas. La force politique de Nulle part, terre promise venant dans ce goût qu'à Emmanuel Finkiel de cultiver les images fortes. Hautes en valeurs symboliques. En 2009, ce n'est plus le sang qui éclabousse le pavé mais bien l'huile des machines qu'on démontent et emmènent à l'Est, loin des travailleurs qualifiés et "bien payés". Tandis que le patron, lui, se repose sous une statue de Lénine, comme un bras d'honneur à l'histoire et à la révolution. Avec l'étudiante, le réalisateur fait d'ailleurs, en quelque sorte, une belle mise en abîme, elle qui se protège finalement derrière sa caméra. Filmant les pauvres sans jamais se confronter à eux. Questionnant sur le pouvoir de l'image et des souvenirs, elle qui ne voit qu'à travers son écran, sans jamais vraiment être dans la réalité. A bien des titres, Nulle part, terre promise est un film très marquant, autant visuellement que sur le plan de l'intrigue. Emmanuel Finkiel réalisant un film terriblement contemporain, arrivant à rendre à l'image toute la détresse, à la fois de ces personnages et de ceux qu'on n'entend sans voir dans les médias le soir. Ce sont ces émigrés, ces quotas sans visage sous l'air Sarkozy. Ces nouveaux chômeurs, aussi, subissant les aléas d'un monde gouverné par le fric et qui aujourd'hui, se casse la gueule. A ce titre, Nulle part, terre promise résonne comme un film somme toute indispensable. Du grand cinéma social et engagé comme la France sait aussi faire quand elle produit pas que des comédies. A voir dans tous les bons cinémas !


 


> Prix Jean Vigo 2008 


Crédit photo: Sophie Dulac Distribution 

Publié dans En salles

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