Lettre à Anna / Eric Bergkraut

Publié le par Limess




Sortie: 18 novembre 2009


> L'histoire: Anna Politkovskaïa a été assassinée le 7 octobre 2006 dans le hall de son immeuble à Moscou. Ce jour-là, Vladimir Poutine fêtait son 54ème anniversaire. Elle disait à son sujet que " tant qu'il serait au pouvoir, on ne pourrait pas vivre dans un pays démocratique ". Ce film documentaire est à la fois un portrait intime de la journaliste et une chronique de la Russie des années Poutine.

Assassinée il y a près de trois ans, Anna Politkovskaïa est devenue l'une des figures (féminines) emblématiques de la liberté de la presse. En Russie comme dans le monde. Connue pour son opposition envers le gouvernement de Vladimir Poutine, la journaliste s'est ainsi faite, au fil de sa carrière, la porte parole non officielle d'une population tchétchène noyée sous les bombes d'une guerre (génocide ?) aussi absurde qu'honteuse. Il fallait bien, alors, que le cinéma revienne un jour sur son parcours d'exception, chose faite à travers ce documentaire du cinéaste suisse Eric Bergkraut. Pourtant, Lettre à Anna est une oeuvre qui commençait plutôt mal, le réalisateur s'affairant, dans un premier temps, à reconstituer le meurtre, preuves à l'appui. D'où l'aspect télévisuel assez douteux qui s'en dégage, jusqu'à ce qu'Anna elle-même apparaisse à l'écran. Car avant de signer cet hommage plutôt digne, Eric Bergkraut avait commencer le tournage d'un autre documentaire, suivant le quotidien de cette même journaliste. Disposant ainsi d'une série d'entretiens au contenu particulièrement émouvant et éprouvant quant on connaît le sort qui lui a été réservé. Consciente des menaces qui planaient sur sa tête, la journaliste confiait ainsi les raisons de son engagement et son espoir certain quant au pouvoir de la presse. Rattraper par la réalité, le documentaire d'Eric Bergkraut prend alors une autre dimension, retraçant les moments forts de la vie d'Anna et son rapport à la Tchétchénie, donnant la parole à quelques uns de ses proches (enfants, collègues, admirateurs) tout en faisant d'elle l'un des symboles des victimes du gouvernement russe.


Car Lettre à Anna est avant tout un virulent pamphlet contre l'administration Poutine, pointant directement du doigt ses dérives et sa probable participation à l'exécution de la journaliste. Doublé par Catherine Deneuve, touchée par cette disparition et figure médiatique permettant de donner un rayonnement supplémentaire à ce documentaire, le film est aussi un témoin puissant des limites de la presse en Russie, muselée par le pouvoir en place. A l'instar de cette séquence, montrant une jeune femme collant un message sur la maison d'Anna, avant d'être violemment réprimée sous le regard des caméras. Face à un sujet aussi sensible et à une vie aussi incroyable, Eric Bergkraut livre un film assez réussit et plutôt percutant, plongeant dans les coulisses politiques d'une guerre médiatiquement étouffée et du pouvoir de la presse, continuant consciencieusement le travail de la journaliste. Et si l'on se découvre une totale impuissance face à ce que l'on voit à l'écran, comme une prise de conscience brutale, voir ce film est déjà un acte politique en soit. Vous savez alors ce qu'il vous reste à faire.




Crédit photo: Nour Films

Publié dans En salles

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