La journée de la jupe / Jean-Paul Lilienfeld
Sortie: 25 mars 2009
> L'histoire: Un jour, un professeur de collège à bout prend ses élèves en otage...
Destiné, au départ, uniquement à une diffusion télévisuelle, La journée de la jupe est un projet ambitieux, marquant le retour d'une Isabelle Adjani en très grande forme. Avec ce film, Jean-Paul Lilienfeld prend, en quelque sorte, le pas sur Entre les murs, donnant une vision totalement opposée d'une même situation. L'action se situant aussi dans un collège en ZEP. Car là où François Begaudeau tentait sans cesse de tirer ses élèves vers le haut, Sonia Bergerac, elle, craque littéralement au point de prendre une arme pour faire, enfin, un cour normalement. A ce titre, La journée de la jupe est une oeuvre volontairement radicale et impolitiquement correcte, osant défier tous les tabous de la banlieue et de l'éducation. C'est d'ailleurs ce point de départ qui dérange en premier lieu, La journée de la jupe se révélant d'abord un peu casse-gueule. Plongeant in media res dans l'intrigue, sans prendre le temps de développer les personnages, Jean-Paul Lilienfeld filme les faits, rien que les faits, pour une énergie garantie. Sauf que le ton s'avère dans un premier temps plus faux que réellement théâtral, malgré ce choix de souligner la mise en scène en plaçant l'intrigue dans une salle de théâtre. Dès lors, le film déballe ses premiers arguments, prenant parfois un ton un poil moralisateur comme sur la question du préservatif. Mais tandis que dehors, l'intrigue déballe une série de clichés, autour du négociateur - touchant Denis Podalydes - ou du proviseur excédé, plus elle avance et plus ce huis clos se révélera puissant...
Abandonnant progressivement l'idée de l'usage de la force pour faire passer des petits messages quotidiens, La journée de la jupe prend alors un ton politique et rentre-dedans, devenant même extrêmement couillu. Ainsi, derrière l'idée de la prise d'otage se cache de multiples questions sur les dérives du système éducatif, enfermé dans la peur de l'autre. Dès lors, le film démonte les subterfuges d'arguments faciles comme la religion ou le respect tout en pointant du doigt la démagogie et la lâcheté des administrations ou des profs, totalement dépassés par les événements. Laissant par la suite le champ libre à un autre sujet, La journée de la jupe étant aussi un cri de révolte féminine face à la loi du silence et la misogynie des quartiers... Tout en subissant son manque de moyen, Jean-Paul Lilienfeld opte pour une mise en scène et une réalisation dépouillée, laissant une grande liberté d'action aux acteurs. Si la bande de jeunes se révèlent criante de vérité, le vrai régal se trouvera dans la performance d'Isabelle Adjani, jouant des coups de boules comme des coups de pression. Elle est incroyable par son jeu sans cesse sur le fil et tout en fragilité. Un film fort, puissant et pour le coup, terriblement innovant, qui nous prouve que le cinéma français à encore de belles choses à proposer. Dommage alors qu'une querelle entre les exploitants et Arte l'empêche de sortir dans plus de 50 salles, réduisant la visibilité de cette oeuvre assez impressionnante.
> Festival de la Berlinale de Berlin 2009: section Panorama
Crédit photo: Rezo films