Désengagement / Disengagement / Amos Gitaï

Publié le par Limess

18922797_jpg-r_760_x-f_jpg-q_x-20080326_033422.jpg


Sortie: 09 avril 2008

> L'histoire: Avignon, été 2005. Ana retrouve Uli, son demi-frère israélien, à l'occasion de la mort de leur père. Elle décide de retourner en Israël à la recherche de sa fille qu'elle a abandonnée à la naissance, 20 ans plus tôt. A leur arrivée, Ana et Uli sont pris dans la tourmente du retrait des colons de Gaza.

Un homme. Une femme. Une conversation sur les droits des peuples à disposer de la nationalité qu'ils souhaitent. Un baiser. La scène aurait pu être anodine si lui n'était pas israélien et elle palestinienne. Voilà comment démarre Désengagement, nouveau Amos Gitaï. Avec un prologue pareil, d'une rare intensité émotionnelle - à la fois par sa pureté et sa symbolique -, le spectateur était alors en droit d'attendre un grand film. Et pourtant... Désengagement est totalement casse-gueule, désavantagé par une construction bordélique et inadaptée. Tout commence à Avignon où Uli, l'homme du train, retrouve sa soeur Anna pour les funérailles de leur père. Leur grand maison surchargée de dorures va alors être la scène d'une pièce de théâtre purement Fordienne, à la Dommage qu'elle soit une putain. Anna est une femme en manque d'amour, trouvant en son frère une virilité qu'elle cherche désespérement. Délaissée par les hommes, elle voit en lui une proie, n'hésitant pas à s'exhiber, mettant ainsi en lumière cette relation presque incestueuse qui les unie. Mais là n'est pas vraiment le problème. Le film sombre en effet peu à peu dans un énorme cafouillage. Les scènes s'enchaînent sans liens logiques - que vient faire la cave ici ? -, Juliette Binoche n'a jamais été aussi fausse dans ce rôle de femme fatale qui ne lui sied pas du tout et Barbara Hendrix nous horripile en chantant à tue-tête. Il faut alors prendre son courage à deux mains pour ne pas sortir de la salle ! Et heureusement, le film prenant tout d'un coup un virage à 180° degré pour notre plus grand plaisir de spectateur.

2-copie-9.jpg
La particularité de ce film, c'est qu'il se construit autour de ces deux parties distinctes et opposées où Juliette Binoche devient presque un emblème. Alors que l'actrice surjouait dans la première, elle va peu à peu retrouver une sensibilité et un naturel dans la seconde. Tout part du bureau d'une avocate où Jeanne Moreau, dans le rôle qu'elle affectionne aujourd'hui de passeuse de flambeau à la nouvelle génération, explique à Anna qu'elle doit partir remettre l'argent de l'héritage à sa fille, résidant dans la bande de Gaza. Le film se teinte alors d'une autre couleur, passant de la France à Israël et laissant à la frontière tout ce qui nous horripilait. Finis ces grands décors, ces interprétations à la limite de la justesse et ces effets de caméra sans importance. Place au naturel ! Une fois arrivés sur le territoire israélien, Anna et Uli vont se séparer, obligeant alors le réalisateur au montage alterné. Tandis que Anna traverse la bande de Gaza à la recherche de sa fille, Uli lui, s'entraîne devant ces barrières pour pouvoir mieux les enfoncer après. Nous sommes en 2005. Uli est un soldat israélien et à l'ordre de déloger les colons juifs installés à cet endroit. Posant sa caméra de manière "presque neutre", le réalisateur filme alors les dérives de cette société minée par les conflits religieux. Amos Gitaï part de cet événement qui a marqué l'année 2005, ce désengagement cloîtrant et isolant les palestiniens au bord de la mer. Résultat, comme on a pu le voir cette année dans les journaux, privés de tout, ils se sont vus dans l'obligation de briser les grilles qui servaient de frontière avec l'Egypte pour pouvoir trouver à manger et réussir à (sur)vivre. Mais là n'est pas vraiment le sujet du film. En évitant de tomber dans la polémique, Amos Gitaï fait le choix de ne pas traiter de cet événement du point de vue Israélo-palestinien, les soldats israéliens ayant en effet chasser des colons juifs et non musulmans. La force de ce film vient du fait même que le réalisateur tend à montrer une patrie qui se déchire elle-même et non pas une religion contre une autre. Il alterne alors sans cesse entre les scènes de foules, maîtrisant chaque parcelle de plans, et les scènes intimistes, où l'on retrouve Anna et sa fille, abandonnée à la naissance. Et le résultat est saisissant. Au final, Désengagement se révèle être un film en demi-teinte, totalement repoussant au départ et scotchant sur la fin...

etoile1.jpgetoile1.jpgetoile2.jpgetoile2.jpgetoile2.jpg


Crédit photo: Ad Vitam

Publié dans En salles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article