Innocents - The dreamers / Bernardo Bertolucci

Publié le par Limess

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Sortie: 10 décembre 2003

> L'histoire: Isabelle et son frère Théo, restés seuls à Paris pendant les vacances de leurs parents, invitent chez eux Matthew, un étudiant américain. Dans cet appartement où ils sont livrés à eux-mêmes, ils vont fixer les règles d'un jeu qui les amènera à explorer leur identité émotionnelle et sexuelle. Au fil des heures, la partie s'intensifie, les sens et les esprits s'exacerbent.

Le printemps est arrivé. Les amoureux sont de sortie. Les étudiants aussi, banderoles à la main, manifestant en faveur d'une révolution sociale et culturelle. Nous sommes en 1968. Devant la cinémathèque française, ils protestent contre le renvoie de Langlois, Jean-Pierre Léaud en tête, mégaphone à la main. C'est là que Matthew, un étudiant américain, rencontrera Isabelle et Théo. Ensemble, ils feront leur propre révolution, sexuelle, loin du brouhaha de la rue. Au premier abord, mai 68 semble pour Bernardo Bertolucci n'être qu'un prétexte à une histoire de libertinage incestueux. Le réalisateur passe en effet de la sphère publique et son aspect "cinéma-vérité" à la sphère privée où va se jouer un drôle de huis clos. Ces ados, au départ si actifs, se transformant en beaux parleurs, préférant les débats animés, et finalement insignifiants, à l'action réelle. On passe de l'histoire à l'intime, comme le disait Philippe Garrel à propos de son propre film, Les amants réguliers. Cloîtrés dans ce bel appartement, ces trois là vont refaire le monde à leur façon, découvrant la jouissance de la liberté - absence
des parents - mais aussi, de la sexualité. Comme à son habitude, Bertolucci provoque, cassant les codes du triangle amoureux - notamment celui de la Nouvelle vague et Jules et Jim - en intégrant le thème de l'inceste entre frère et soeur. Le malaise se fait souvent sentir. Le dégoût aussi, le réalisateur n'épargnant pas le spectateur par des séquences volontairement scabreuses et peu reluisantes. Et pourtant...

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Pourtant, le film ensorcelle, charme par sa liberté de ton. Matthew, Isabelle et Théo sont des cinéphiles, vivant éternellement des images pleins la tête. L'identification est immédiate. Le réalisateur s'amuse en intégrant des séquences de films classiques, nous demandant expressément de participer à l'action. Comme les personnages, on se prend immédiatement au jeu, devinant les films qui se cachent derrière les séquences, reconnaissant avec plaisir la danse de Fred Astaire dans Top Hat, la fusillade de Scarface ou le repas de mariage dans Freaks. Un jeu à double tranchant puisqu'il distrait autant qu'il interpelle. Car en passant leurs temps dans les salles obscures, ces trois là en auraient presque oublier de devenir les héros de leur propre vies, préférant imiter leurs personnages favoris plutôt que d'agir pour et par eux-mêmes. Sur bien des points, Bertolucci n'est pas tendre avec le cinéma et les cinéphiles. Son film pourrait presque être vu comme un invitation à la vie, à découvrir les choses par ses propres moyens plutôt que derrière un écran. C'est là que revient mai 68, ce temps où les étudiants ont pris leurs destins en main et décider de crier haut et fort leur envie de vivre. Devenant des "héros" de l'histoire. Pour Matthew, Isabelle et Théo, il est alors temps d'en être aussi. Maintenant et tout de suite ! Devenant ainsi - et ironiquement - des personnages de films à venir sur cette période si singulière.

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> Mostra de Venise 2003: avant-première
> European Film Award 2004: Nominations prix du public de la meilleure actrice, prix du public du meilleur réalisateur


Crédit photo: TFM Distribution

Publié dans Ciné-club

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