Rencontre avec Neil Thompson, réalisateur de The club

Publié le par Limess


C'est lundi, dans un hôtel parisien, que j'ai pu interviewer, en compagnie de Vincent, Neil Thompson, venu dans la capitale faire la promotion de son premier film, The club. Rencontre.

Qu'est-ce qui vous a intéressé dans le livre Watch my back, de Geoff Thompson ?

En fait, j'ai d'abord rencontré Martin Carr, le producteur, à la chambre des communes de Londres. J'étais alors membre du conseil du PACT, qui est une association de producteurs. Nous avons rencontré le gouverneur à l'origine de la nouvelle taxe sur les films britanniques... Nous partageons la même vision sur comment un film doit être fait. Nous avions donc les mêmes idées et Martin m'a montré un scénario qui s'appelait Watch my back. En réalité, je n'avais jamais lu ou vu le livre. J'ai beaucoup aimé ce scénario. Nous avons donc rencontré Goeff [Thompson, le scénariste] et décidé de travailler ensemble tous les trois. Ils ont ensuite regardé mon travail avant de me demander de le réaliser. Nous avons donc commencé à travailler sur le scénario dont nous avons changé le nom par The club. C'est en réalité comme ça que cela s'est fait.

Ce que j'ai ressentit en voyant votre film, c'est que vous mélangez deux univers qui sont, en soit, assez caractéristiques d'un certain cinéma anglais: celui avec un arrière-plan social, comme les films de Ken Loach, et celui sur des petits gangsters, type Arnaques, crimes et botanique ou Trainspotting. Quelles sont vos influences ?

C'est un film particulier car il est basé sur un livre qui était très autobiographique. Le livre est une sorte de mémoire, une histoire épisodique ou comme dans un journal. C'était assez délicat à porter à l'écran. Geoff avait écrit à la fois le livre et le scénario. Nous avons donc passé beaucoup de temps ensemble, à collaborer, pour voir ce que nous pourrions en faire, et nous avons décidé de ne garder que des éléments qui étaient corrects. C'est le genre d'histoire sur un mec, séparé de sa femme et qui tente de rester proche de ses enfants. Et puis, c'est l'histoire d'un portier, de drogues et encore beaucoup d'autres choses caractéristiques des films de gangsters. Nous avons donc décidé de garder plusieurs éléments et de travailler dessus de façon à les faire marcher ensemble. De manière intéressante, le scénario que nous avons lu était assez différent des films que l'on voit aujourd'hui. Il change... Lorsque nous avons tourné, ce qui arrive parfois avec les films, c'est que cela ne marchait pas comme on le prévoyait. Nous avons donc tourné à nouveau certaines choses, écrit beaucoup de voix-off, parce que ce qui se produit est extrait de la vie de Geoff. Dans l'histoire, lorsque nous avons pour la première fois travaillé ensemble, il semble que cela manquait ou avait disparu. Nous avons donc réintégré cela. En fait, ses éléments étaient déjà là mais nous avons dû changer pas mal de choses qui était dans le livre, et avons, en quelque sorte, observé et regardé comment cela fonctionnait au contact des autres personnages... Pas mal de choses ont donc changé pour arriver de cette manière à l'écran, pour être honnête avec vous. Mais... je ne réponds pas à votre question [Rire]. Mes influences sont... [Il cherche et soupire]. Mon réalisateur préféré, et que beaucoup de monde adore, est Martin Scorsese. Billy Wilder. Douglas Sirk. J'aime beaucoup les classiques. Le cinéma américain, si vous préférez. Parmi tant d'autres... Truffaut ! Hitchcock, j'adore Hitchcock... J'aime les films français, il y en a en permanence à Londres. Mes influences sont donc une sorte de mélange, que je joins avec mon passé de réalisateur de clips et de publicités. En tant que grand amoureux des films, "dévoreur" de films, j'aime beaucoup les classiques ainsi que des choses plus noires. Avec des crimes. Des sortes de thrillers.

Par rapport aux personnages, quel casting incroyable. Comment avez-vous choisit vos acteurs ?

C'est une mixture. Shaun Parkes, qui interprète Rob, a été une sorte de Geoff dans sa propre vie. Nous avons tous été d'accord qu'il serait parfait. Il nous a aidé à travailler sur les différents rôles, lors des lectures de table avec les autres acteurs. Shaun était donc là, en quelque sorte, depuis le début et quand il a commencé à lire le personnage Rob pour nous, nous avons pensé "Ouaah, il est parfait pour ça. Il est vraiment bon.". C'est comme ça que ça a marché. Ronny Fox, celui qui joue Hennessy, le gangster, a toujours fait parti du projet. Je l'ai vu sur scène où il jouait l'un des personnages principaux et il était vraiment fait pour ça. De même, il nous a aidé en lisant d'autres rôles mais quand il a lu celui du gangster, nous avons vu qu'il était exactement ce que nous recherchions. Colin [Salmon], qui interprète Louis, ironiquement, était celui que l'on voulait depuis le début mais il n'était jamais libre. Mais un ses rendez-vous a bougé, puis soudainement, la date d'un de ses films a bougé et tout à coup, il était libre. Nous avons donc eu son accord au dernier moment. Avec Goeff, nous ne l'avons rencontré que trois jours avant qu'il ne commence ses prises. C'était vraiment proche, juste à la fin. Scot [Williams], qui interprète Sparky, a fait une formidable audition, il nous a tous impressionné. Et Mel [Raido], qui joue le rôle principal... Nous avons passé beaucoup de temps à caster ce personnage. Nous avons vu beaucoup d'acteurs mais aucun n'allaient bien. Mel était vraiment chic, très confiant. C'était vraiment ce que l'on recherchait pour le rôle. Nous avons donc été chanceux quand nous avons croisé son chemin. Il a fait de très bonnes auditions et il m'a invité à une pièce de théâtre dans laquelle il jouait. Il était sur scène en permanence et faisait beaucoup des choses qu'il allait devoir refaire dans The club. Quand j'ai vu ça, j'ai pensé "Oui, il est parfait". En fait, c'est assez difficile de réunir un casting, c'est assez délicat mais nous étions finalement vraiment satisfait du résultat.

Par votre société Formosa film, vous avez créé un nouveau système de financement basé sur des investissements faits par des personnes privées et la ville. Comment avez-vous trouvé cette idée et quelle liberté cela vous a t-il apporté ?

C'était assez intéressant puisque lorsque Martin et moi avons décidé de faire ce film, nous avons toujours voulu réunir le plus d'argent privé possible avant d'entrer dans la période de production. C'est qui est courant, vous savez. Mais nous avons décidé de le faire pour un certain nombre de raisons. Premièrement, afin d'avoir plus de contrôle sur notre création. Ensuite, parce qu'en Angleterre, à la différence de la France où vous avez beaucoup d'aides du gouvernement, il n'y a pas vraiment d'endroit où vous pouvez aller pour trouver des financements... Ils ne vous donne pas de réponse, vous devez attendre six mois... C'est vraiment frustrant. Si vous réussissez à avoir une rencontre avec eux, il faut que vous ayez votre scénario, votre casting complet et une sorte de tarif... Et moins vous avez besoin d'argent, plus ils sont intéressés... [Rire]. Nous avons donc décidé depuis le début d'utiliser une méthode qu'on appelle EAS en Grande Bretagne où les investisseurs peuvent bénéficier d'un allégement fiscal sur leurs investissements. Cela fonctionne par la formation d'une entité publique, d'une société publique avec laquelle on partagera chaque part provenant du film. On partage tous les revenus, tout ce qui vient des cinémas, des dvd, des ventes de cd ainsi que tout ce qui provient de l'international. Absolument tout appartient aux investisseurs, c'est donc une façon intéressante de collecter des fonds pour faire un film. Et avec le petit budget d'un film comme The club, tant que vous faites un travail honnête, il y a de bonnes chances pour que ses gens soient remboursés et qu'ils rentabilisent ce qu'ils ont investit. Et comme ils bénéficient déjà d'allégements fiscaux, c'est vraiment une bonne affaire pour eux. Et comme vous dites, cela nous donne plus de liberté de création puisque nous sommes aussi producteurs exécutifs sur le film. Nous pouvons donc dire aux gens ce qu'ils doivent faire. Il y a bien sur d'autres producteurs exécutifs qui s'occupent de choses importantes, comme les crédits mais... nous avons eu assez de contrôle. Sur le casting. Le final cut. Nous avons pu faire plein de choses qu'il n'aurait pas été possible de faire normalement, dans "le monde des films indépendants à petit budget". Ce qui est super du point de vue du créateur.

Votre film traite des années 80, comme beaucoup d'autres. Qu'est-ce qui fait la différence selon vous entre cette époque et aujourd'hui ?

Le livre de Geoff et le scénario original décrivait assez tardivement les années 80. Nous avons donc changé cela pour en parler plus tôt parce que nous pensions que pour l'histoire, il était intéressant de s'y attarder.
Le début des années 80 en Angleterre était une époque assez intéressante. C'était un moment de mauvaise récession... Nous allons d'ailleurs probablement devoir nous cacher à nouveau [Rire]. Il y avait beaucoup de chômage et le gouvernement menait une politique de droite conservatrice. Geoff vient de Coventry, en plein centre de l'Angleterre. Il y avait des usines de production de voitures. Un grand mouvement venait de cet endroit. Il y avait une opposition dans ce qu'il voyait et ce qu'il vivait. Un vent d'extrême droit balayait le pays et en même temps, il y avait un rassemblement des cultures. Noirs et blancs s'appréciaient, faisaient des choses ensemble comme de la musique, aller dans des clubs. Ses années là ont été marqué par ce grand éclatement, aussi bien au sein de l'Angleterre que dans de cette ville. Nous avons pensé que c'était une époque intéressante car tout pouvait arriver en Grande Bretagne. La culture était vive. Et puis, les gens étaient bien habillés, ils portaient des chapeaux, frimaient. Ils étaient coiffés de manière assez drôle... [Rire].

Dernière question. Avez-vous déjà un nouveau projet ?

Oui. Je voulais garder la même équipe que pour The club, ce qui signifie Geoff et Martin. David [Kew, le monteur] aussi. Nous travaillons ensemble sur un nouveau projet intitulé Twenty8th mais nous n'avons pas encore tous financements. Nous tenons le bon bout et espérons le tourner cet été. C'est un thriller. En Angleterre, malheureusement, The club sortira probablement plus en dvd qu'il n'est destiné au marché du film anglais. Je sais qu'en France, le marché du cinéma fonctionne mieux qu'en Grande Bretagne, j'espère donc que le film marchera mieux ici. Mais Twenty8th est plus un genre de thriller, avec plusieurs intrigues en parallèle. C'est l'histoire d'un jeune journaliste asiatique qui travaille pour un journal célèbre. Son petit frère se fait accusé du meurtre d'un homme, il n'a que quinze ans. Le film réunira plusieurs éléments autour des tensions politiques, la manipulation des médias, la corruption de la police et le parallèle qu'il existe entre les médias et les gangs. C'est un projet intéressant et nous sommes très excités à l'idée de le faire.

 

M.B

[Propos recueillis le lundi 19 janvier 2009]

Publié dans Rencontres

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