La petite fille de la terre noire / Geomen tangyi sonyeo oi /Jeon Soo-il

Publié le par Limess




Sortie: 11 février 2009

> L'histoire: Dans un village minier de la province de Kangwon, la petite Young-lim, neuf ans, vit avec son père et son frère. Elle aime chanter des comptines, danser devant la télévision et jouer avec son grand frère, un peu attardé. Mais lorsque son père se retrouve sans emploi pour raisons de santé, son univers s'en trouve bouleversé. Elle doit alors s'occuper seule de son frère et du foyer familial. A sa manière.

A bien des titres, La petite fille de la terre noire est typiquement le genre d'oeuvre dont on aimerait dire beaucoup de bien. Ce film, réalisé par Jeon Soo-il et récompensé de la plus haute distinction au dernier festival de Deauville Asie, suit la descente aux enfers progressive d'une famille, suite au licenciement du père, de manière anthropologique. Jeon Soo-il introduit son film par des séquences filmées de manière documentaire, dans les mines de la région de Kangwon, en Corée, avant d'y mêler la fiction et cette famille, où l'on retrouve Young-lim, une petite fille de neuf ans et son grand frère attardé. La petite fille de la terre noire est ainsi un film éminemment politique et social qui tend à rendre compte, de la manière la plus réaliste possible, de la tragédie dans laquelle vivent ses familles coréennes. Mères absentes. Enfants handicapés. Pères malades et alcooliques... L'habilitée du réalisateur est de confronter sa famille fictionnelle, mais représentative d'une réalité, à un paysage désolé et désertique et à une région sur le point de disparaître, où les maisons sont détruites et où les conditions de vies sont plus que précaires. Jouant de la symbolique des couleurs, Jeon Soo-il oppose ainsi la blancheur de la neige, associée à l'insouciance de la petite Young-lim, à la noirceur de son quotidien et des mines de charbon. L'image, signée Kim Sung-Tai est en cela assez stupéfiante, dans cette approche à la fois documentaire et fictionnelle.


Mais La petite fille de la terre noire, au delà de cette approche sociologique, est le portrait douloureux d'un petite fille, donc, qui fasse à la réalité va peu à peu perdre son insouciance. Le film montre ainsi comment la violence et la dureté d'un milieu peut tuer les rêves d'une enfant, obligée à la fois de s'occuper de son frère attardé, de faire à manger pour la famille ou d'aller voler de la bière pour son père alcoolique. Et comment, malgré ce quotidien brutal, elle arrive toujours à s'évader par la chanson ou en s'amusant avec des chatons abandonnés. La force du film repose presque essentiellement sur l'incroyable performance de l'actrice Yu Yun-mi, qui a à peine dix ans, s'impose à l'écran par sa luminosité et la justesse des émotions qu'elle dégage. Alors quand vient ce regard caméra final, d'une rare intensité, on ne peut qu'être décontenancer et totalement ébahit. Un regard caméra totalement assumé de bout en bout par le film, le réalisateur jouant avec une mise en scène frontale qui nous confronte, de manière brutale, à la dureté de ce quotidien et la violence des conditions de vie de cette région. En cela, la séquence d'ouverture dans les mines en est que plus percutante...


Pourtant, malgré toute la force du propos et des choix de la mise en scène, La petite fille de la terre noire est un film auquel on a bien du mal à s'attacher. L'oeuvre repose ainsi sur la succession de malheurs qui frappent chacun à leur tour la famille, créant peu à peu une pyramide décroissante vers l'enfer où l'on franchit chaque fois une nouvelle marche. Handicape, maladie, alcoolisme, expulsion, vol... jusqu'au final inévitable. Comme cette famille, le spectateur se laisse alors doucement couler dans cette spirale infernale où il n'y a aucun moment de répit. Aucune possibilité de respirer. Le réalisateur ne cherche d'ailleurs pas le pathos, en n'usant jamais de la musique - ici quasi inexistante -, juste la plus sincère réalité. Le film est en cela encore plus oppressant, comme dénué d'émotion par cette froideur qui se dégage de l'image. Alors, lorsque l'on ressort de la salle, la seule solution qu'il nous reste pour pas sombrer est celle du rire, tant La petite fille de la terre noire est une oeuvre pessimiste et sombre, où aucun espoir n'est possible. Une oeuvre percutante, donc, mais qui ne réussit jamais à nous bouleverser par la froideur de ce dispositif de mise en scène. Reste l'habilitée avec laquelle le réalisateur rend compte de la tragédie d'un peuple et l'incroyable performance de la jeune Yu Yun-mi. Un film ô combien destabilisant !



> Festival du cinéma asiatique de Deauville 2008: Grand prix, prix de la critique
> Mostra de Venise 2008: Prix CICAE
> Pusan international film festival 2007: Best Korean Film Award
> Fribourg international film festival 2008: Prix FIPRESCI

Crédit photo: Zootrope films

Publié dans En salles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article